Un message d’espoir pour les familles

De Kristian Schott
Préface Docteur Lisa Ouss-Ryngaert
« Je n’ai pas écrit un livre, je l’ai composé ».
(1970-…)

C’est par ces mots que Kristian Schott m’a raconté la création de cet ouvrage.
Kristian Schott est atypique. Il n’entre pas dans les « cases » de l’école, des médecins, des normes sociales : un insolent rebelle ? Un bébé hémiplégique qui devient sportif de haut niveau et violoniste professionnel ? Un génie qui n’arrive pas à obtenir des résultats académiques à la hauteur de son intelligence ?
Une personne.
Bien décidée à comprendre ce qui lui rend des moments de vie si difficiles alors qu’ils semblent faciles pour les autres, et d’autres si faciles alors qu’ils sont si incompréhensibles pour les autres, pourquoi il ne supporte pas le bruit, ne comprend pas des choses apparemment simples et en résout d’autres, très complexes, en quelques secondes.
Il entreprend un travail psychologique avec des collègues. Je le rencontre à la demande de mes collègues, qui savent que je propose des suivis psychothérapiques chez des personnes présentant des troubles atypiques, en lien le plus souvent avec une atteinte cérébrale. Nous commençons ce travail de réflexion, et précisons ce qui rend son expérience si radicalement différente : « il est autiste ».
Ce diagnostic n’avait pas été posé jusqu’ici.
Kristian Schott avance vite, il pense, comprend, cherche, écrit. La qualité et l’intensité de sa réflexion sont telles que je lui propose d’écrire. Il compose cet ouvrage en onze jours. Il n’y retouchera pas, car il est le reflet de ce qu’il est, à l’instant où il écrit. Plus tard, ce ne sera plus ce qu’il était à ce moment. Il s’agit donc d’un instantané qui couvre paradoxalement toute une vie.
D’une précision, d’une richesse et d’une acuité qui en apprendront infiniment plus que tout discours sur la radicalité de la différence phénoménologique que vivent les personnes autistes
sans déficience intellectuelle.
Ce témoignage d’une profondeur unique raconte le parcours exemplaire, au double sens du prototype et de l’expérience exceptionnelle, d’un homme qui voulait proposer sa lecture du
monde en un algorithme, la « théorie zéro ».
Docteur Lisa Ouss-Ryngaert, psychiatre
C’est quoi un homme normal ? Un homme normalement droitier, d’intelligence moyenne normale, normalement hétérosexuel, avec un métier normal, qui gagne un salaire normal, cotise
normalement pour son assurance maladie et sa retraite. Il vit dans un logement normal, conduit une voiture normale, consomme normalement, part en vacances normalement.
Monsieur Normal va se trouver une femme normale, faire l’amour normalement, procréer des enfants normaux, promener son chien normal, qui aboie normalement. Il pense normalement, comme tout le monde, fait comme tout le monde, rêve comme tout le monde, enfin décède comme tout le monde.
Oui, Monsieur normal est comme tout le monde. C’est ainsi que l’on devrait être normalement lorsque l’on est normalement constitué, avec une bonne éducation normale, acteur au cœur de notre société normalement.
Moi je voulais devenir normal aussi, puisque l’on me reprochait de ne jamais rien faire comme tout le monde. Alors j’ai tout fait pour faire comme tout le monde, m’intéresser aux mêmes choses que tout le monde, agir comme tout le monde.
Mais on me reprochait encore de ne rien faire comme tout le monde, de ne rien faire du tout d’ailleurs, puisqu’au final je ne parvenais pas à m’intégrer comme tout le monde. En fait, je ne
comprenais pas, n’y comprenais rien, j’ai toujours eu du mal à comprendre ce que l’on attendait de moi, ce que je devais comprendre quand on me parlait, ce que je devais faire quand on me
demandait quelque chose.

« Lisez en silence le texte page trente trois !» clame le Professeur au collège. Je lis la page trente trois. Pourquoi les autres ont-ils tourné la page ? Faut tourner la page ? Mais je ne suis
pas encore arrivé à la moitié. Le Professeur commence déjà à poser des questions sur le texte. Mais de quoi il parle ? J’essaie de trouver dans la page, des mots, des noms qui ressembleraient
à ceux contenus dans sa question, que je n’entends pas clairement parce que la classe résonne et que je me sens envahi d’un vacarme d’agitation silencieuse, une règle qui tombe, les chaises
en métal et bois qui craquent, des frottements de papier, de tissus, des chuchotements, leprofesseur n’est pas détendu. Je me prends la tête entre les mains, je ferme mes oreilles avec mes pouces, mon regard balaie toute la page, je ne vois rien. Jusqu’en bas de la page, toujours rien, je suis perdu, mon attention décroche, je ne suis plus là, je ne ressens plus rien, n’éprouve plus rien, le regard dans le vague sur le livre pages trente deux et trente trois. « Bien alors maintenant lisez de la page trente deux au texte que nous venons de voir ». Je regarde par la fenêtre, me balance sur ma chaise, joue avec ma chaîne (une chaîne gourmette de couteau Suisse suspendue à un anneau de clé autour de mon pousse), ça résonne dans cette salle, je suis fatigué, je suis angoissé d’être interrogé, je ne vais pas comprendre la question. Le Professeur demande si tout le monde a fini, je m’en fous. Il pose une question à l’ensemble de la classe, je marmonne une réponse. « Oui, Schott, plus fort, que vos camarades entendent… ». Je répète alors de ma petite voix mal assurée, en bafouillant ce que je viens de m’entendre dire, surpris à m’en étouffer de constater que le Professeur ne me fasse pas de remarque particulière.

Parfois, des noms, des dates, des résultats, sortent de ma bouche, j’en suis le premier surpris,c’est comme ça. Je trouve que les autres élèves sont très doués, certains d’entre eux
connaissent même toutes les bonnes réponses. Je ne sais pas comment ils font. Moi, ça ne m’arrive que de temps en temps, sinon, je ne sais pas. Je ne comprends rien à ce que je lis. Les autres élèves écrivent beaucoup, je ne sais pas ce qu’il faut écrire. J’ai des mauvaises notes, j’aime pas l’école, il me semble que je me sentirais mieux partout ailleurs, seul…

« Mon univers à part »
Je sais
Y a des jours, des endroits
Où rien ne va
Même pas un bateau, même pas toi
Mon univers à part
J’ai pas envie qu’il nous sépare
C’est vrai
J’ai des rêves, des réveils
Pas pareils
Même si je respire le même ciel
Si je suis différent
Mon coeur ne bat pas autrement
Pourquoi
Ma vie est un combat
C’est pourtant pas la guerre autour de moi
Et même
Si je crie parfois
C’est que j’ai peur
Qu’on n’m’entende pas…
Si j’ai l’air
Tombé d’une planète qu’on ne connaît pas
C’est juste que dans ma tête il y a
Bien d’autres merveilleux
Qu’on peut partager si tu veux…
Pourquoi
Ma vie est un combat
Et pourquoi n’ai-je pas les mêmes droits que toi ?

Et même
Si je crie parfois
C’est que j’ai peur
Qu’on n’m’entende pas…
On dirait
Qu’explorer les étoiles, les volcans
Traverser tous les océans
Ca parait plus facile
Que jusqu’à moi trouver le fil
(passage parlé sur instrumental)
On m’a dit :
C’est de ma faute
S’il n’est pas comme les autres
Il ne parlera pas
Il n’apprendra jamais rien
Il faudrait l’enfermer pour son bien…
Qu’est-ce que vous en savez ?
Laissez-lui le droit d’exister…
Je me demande parfois
Qui guidera ses pas
Quand je n’serai plus là
Mon enfant ne doit pas vous faire peur
Il n’est pas méchant ni violent
Il voit juste des choses qu’on ne voit pas
Il sait des choses qu’on ne sait pas
Ouvrez-lui grand les bras, le coeur
Je l’aime tellement
Je l’aime comme ça
Mon enfant, mon petit soldat
Je sais
Y a des jours, des endroits
Où rien ne va
Même pas un bateau, même pas toi
Ton univers à part
J’ai pas envie qu’il nous sépare
Si on naît différents
Nos coeurs ne battent pas autrement…
El

 

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